FAQs

1. Qu'est-ce que le mouvement Rachad?
Le mouvement Rachad est un mouvement algérien fondé et dirigé par un groupe d’algériens, connus pour leur opposition au régime en place et ayant émergé du coup d’Etat du 11 Janvier 1992, que ce soit comme indépendants ou membres d’autres organisations. Après de nombreuses années d’opposition, il est devenu clair pour eux qu’il y avait nécessité de se rassembler, dans le cadre d’un mouvement qui aurait pour effet d’organiser et d’encourager les Algériens qui croient au changement radical dont a besoin l’Algérie, sur la base d’un consensus national et au-delà des clivages idéologiques.
2. Quel est l'objectif du mouvement Rachad?
Le mouvement Rachad vise le changement radical en Algérie. Ce changement implique deux étapes: d’abord, mettre un terme à l’oppression du pouvoir et à sa mauvaise gestion et, ensuite, mettre en place un système de bonne gouvernance. Ce changement vise à rétablir la liberté, la dignité et la sécurité des personnes ainsi que l’intégrité et la sécurité de la nation.

Il est inutile de parler de réforme, de croissance économique ou de renaissance culturelle sans d’abord régler le problème essentiel qui est la légitimité du gouvernement et des institutions chargées d’administrer le pays; ainsi que les instruments faisant des citoyennes et citoyens une véritable source de légitimité, leur permettant la surveillance des actions du gouvernement et de la protection de la constitution du pays.

3. Rachad appelle à gestion de l’Etat basée sur la bonne gouvernance. Ne faites-vous pas que suivre cette mode comme d'autres ont suivi le socialisme dans les années soixante et soixante-dix?
La bonne gouvernance n’est pas une mode nouvelle, mais un concept enraciné dans notre histoire et dans notre civilisation. Il s’agit d’un concept pratique qui intègre l’équité et l’imputabilité et la transparence dans l’administration, et, de notre point de vue, c’est un outil pour débloquer l’énorme potentiel qui reste paralysé par la défaillance d’un régime corrompu et oppressif.

Rachad la structure et le financement

4. Pouvez-vous nous donner une idée de la structure organisationnelle du mouvement?
Il y a une direction collégiale – le Secrétariat – qui est l’organe exécutif du Mouvement, alors que le Conseil contrôle les activités du Secrétariat et décide de ses orientations entre deux congrès. Les statuts et le règlement interne régissent le fonctionnement du mouvement. Aussi bien en Algérie qu’à l’étranger ont été créés des bureaux régionaux qui permettent aux militants d’activer dans leurs régions. Rachad fonctionne de manière démocratique, ses instances sont élues par les militants.

5. La plupart de vos membres qui sont apparus au public ont vécu à l'étranger pendant de nombreuses années. Comment pouvez-vous comprendre la situation interne et la changer?
Certains des membres de Rachad vivent en Algérie, et beaucoup d’entre eux ne l’ont jamais quittée. D’autres vivent à l’étranger, mais sont restés en contact avec le pays grâce à une communication constante. Le développement le plus important de ce début de siècle est la révolution des communications, le monde est devenu comme un petit village, au point que beaucoup de ceux vivant à l’étranger lisent les journaux en ligne avant que ceux vivant en Algérie ne le fassent. L’interaction entre local et global a atteint le point faisant que tout endroit est effectivement le voisin d’un autre.
6. Comment financez-vous les activités du mouvement?
Jusqu’à présent, tous les fonds proviennent des cotisations des membres et de dons. Notre règlement interne et nos procédures de contrôle font en sorte que les fonds collectés sont légaux et en conformité avec l’éthique du mouvement, ses buts et son indépendance. Les membres activent dans le cadre du bénévolat et ne sont défrayés qu’en cas de besoin pour les dépenses réelles dans le cadre de leur activité. La ressource la plus précieuse de nos membres est leur don de temps, de sincérité et de dévouement; pour Rachad, le capital le plus important est le capital humain.

Pour assurer le développement de Rachad, les cotisations des membres sont indexées sur les revenus des membres et le pays de résidence. Nous appelons tous les Algériens vivant en Algérie et à l’étranger qui croient dans les buts et principes de Rachad de le soutenir financièrement mais également en donnant de leurs temps, chacun selon ses moyens. Ce n’est pas une question d’individus, mais de tout un peuple. En aucun cas nous n’accepterons de soutien d’un organe étatique ou étranger quelle qu’il soit. L’exigence de transparence dans tout ce qui concerne le mouvement Rachad est un principe fondamental sur lequel on ne transigera pas.

7. Pourquoi ne comptez-vous pas assez de femmes parmi les membres Rachad, notamment ses instances dirigeantes ? Pensez-vous que les femmes ne sont pas aptes à participer ou à conduire Rachad?
Nous n’avons pas de problème avec ça – au contraire, nous concentrons nos efforts pour avoir plus de femmes dans notre mouvement, y compris dans ses rangs les plus élevés. A Rachad nous considérons les femmes comme une partie essentielle de la société, et donc aussi une partie essentielle de tout changement.
8. J'aime les principes du mouvement Rachad et je souhaiterai y adhérer. Que dois-je faire?
Pour nous rejoindre, contactez un de nos membres directement, en remplissant le formulaire d’adhésion et en payant la cotisation. Vous trouverez sur le site Rachad un formulaire à cet effet.

Rachad et le changement en Algérie

9. Rachad est-il un mouvement de résistance armée?
Le Mouvement Rachad est un mouvement de résistance, mais ne préconise pas l’utilisation ou la menace d’utiliser la force pour parvenir à un changement, mais plutôt des méthodes non violentes telles que les manifestations et la désobéissance civile. Le principe de Rachad est qu’il n’y a aucune justification pour l’utilisation des armes pour changer la situation politique actuelle en Algérie, que ce soit, par principe, ou d’un point de vue pragmatique.

10. Pourquoi un mouvement pour changer maintenant?
Parce que, malgré la propagande du régime, l’Algérie est en danger. Ses institutions politiques et législatives sont brisées, son appareil sécuritaire est utilisé pour réprimer le peuple, plutôt que pour le protéger. Son économie est ébranlée par les effets de la mauvaise gestion, de la corruption et des détournements de fonds. Les menaces géopolitiques et les conflits régionaux combinés à la perte de légitimité du gouvernement ont clairement mis l’unité et la souveraineté de l’Algérie en danger. Cet état de délabrement ne peut être changé que si les meilleurs parmi les Algériens agissent énergiquement et de façon responsable. C’est pourquoi Rachad a été créé comme un effort pour mettre un terme à l’oppression et la corruption, afin de construire un Etat où règnent la justice et la bonne gouvernance.
11. Qu'est-ce qui vous fait penser au sein du mouvement Rachad que le peuple algérien souhaite le changement du régime?
D’abord, parce que nous sommes Algériens. Nous prenons la température de la rue, nous voyons les espoirs et les aspirations du peuple, nous sentons sa douleur. Les nouvelles parlent tous les jours de manifestations et d’émeutes dans les villes et les villages, et les gens envahissent tous les jours la rue pour une raison ou une autre, bloquant les routes ; attaquant les symboles du régime personnifiés soit par la police, les militaires, l’administration ou les «élus» ; brulant des édifices gouvernementaux, les mairies, etc. Ces actions, bien que généralement réprimées dans le sang, démontrent que les gens veulent changer cette réalité désastreuse.

Le peuple algérien a subi 130 ans de colonialisme destructeur sans jamais abandonner l’espoir de changement. Les soulèvements locaux ont continué pendant des décennies et ont finalement conduit à la révolution salvatrice de Novembre 1954, qui a changé à jamais la situation calamiteuse dans laquelle vivait le peuple algérien. Un lecteur attentif de l’histoire et du présent peut clairement voir à l’horizon le soulèvement d’un peuple algérien qui mettra fin à l’oppression et la corruption.

12. Vous parlez des soulèvements et des manifestations non-violentes. Pouvez-vous empêcher les gens de sombrer dans la violence, connaissant «le sang chaud » des Algériens?
Les membres du Rachad préconisent uniquement l’utilisation des méthodes non-violentes, et cherchent à sensibiliser et à former les personnes à la pratique des méthodes non violentes. Ils sont conscients de l’importance de leur responsabilité de s’en tenir à ce principe. Nous travaillons toujours pour faire du changement en Algérie non pas un pari risqué mais une victoire certaine pour tous les Algériennes et les Algériens.
13. Pourquoi le Mouvement Rachad n’utilise pas les élections démocratiques comme outil pour le changement?
Mis à part la parenthèse de l’ouverture démocratique entre 1989 et 1991, il n y a jamais eu d’élection libres en Algérie. Les élections législatives de 1991 ont été annulées et les généraux ont mené une sale guerre contre toutes les composantes de la société Algériennes. La fraude électorale continue à pourrir la vie politique, et aucune élection n’a été libre et transparente depuis. Les élections ont lieu dans un état d’urgence, mis en place en 1992 et levé en apparence en 2011, ce qui permet aux dirigeants de dominer tous les aspects de la vie dans le pays.

Les élections ont été vidées de tout contenu et sont devenues une fraude gigantesque conçue pour soutenir le régime de la fonction dirigeante de renseignement et de la renforcer avec une façade civile, une façade de démocratie essentiellement pour la consommation étrangère. Malgré cela, les élections en Algérie peuvent être utilisées comme des occasions de mettre à nu le régime, afin de préparer les citoyens à se joindre au véritable processus de changement.

14. Pourquoi ne pas avoir adhéré à la démarche de réconciliation nationale engagée par Bouteflika?
Car ce n’est pas une vraie réconciliation, mais plutôt une tentative de fraude et de consécration de l’impunité. Si nous examinons le document juridique instaurant ce que l’on appelle la «réconciliation», nous constatons que non seulement elle absout les criminels de leurs crimes et leur accorde l’immunité contre toute enquête judiciaire ou procédure pénale, mais va jusqu’à glorifier ses auteurs que sont les officiers de haut rang de l’armée, de la police et les milices qui ont commis des crimes contre l’humanité et crimes de guerre contre les Algériens. La soi-disant «charte de la réconciliation » n’est rien d’autre qu’une apologie des criminels ayant participé au coup d’état et une condamnation de leurs victimes. Pire encore, sont passibles de prison, tous ceux qui veulent la vérité sur la décennie noire, avec des peines pouvant aller jusqu’a 5 ans de prison. La liste des faits visant à tromper le peuple est longue.

M. Bouteflika, qui n’a pas participé au coup d’Etat de 1992, pouvait avoir un rôle décisif pour résoudre la crise, mais malheureusement il a préféré s’en tenir à l’avis de ceux qui l’ont intronisé président. Il a prouvé à travers cette charte, qu’il préfère rester du côté de la tyrannie et par conséquent contre le peuple algérien. Si la conciliation était réelle, nous aurions été les premiers à la soutenir et l’encourager. Mais force est de constater que nous sommes de part nos valeurs et nos principes dans l’incapacité de participer à cette supercherie dont est victime une fois de plus notre peuple – et nous savons que personne ne peut tromper tout le monde tout le temps.

15. Ne pensez vous pas que vous risquez de mettre à mal la paix que vit l'Algérie grâce au processus de réconciliation nationale?
Tout d’abord, nous sommes des gens pacifiques, et nous sommes déterminés à parvenir à la paix – si Dieu le veut – mais pas la pseudo-paix que le régime et ses courtisans veulent nous imposer. Il est vrai que la violence armée a diminué, et que par conséquent, les généraux ont acquis la conviction que le système n’est plus en danger. Il existe cependant des preuves que la paix n’est pas revenue, et que la réconciliation n’a pas été accomplie.

Pour rappeler que quelques exemples: 1) La criminalité s’est généralisée et les agressions sont devenues monnaie courante au point que nul ne peut se sentir, lui et sa famille, en sécurité; 2) l’alcool et la drogue sont devenus omniprésents, touchant même les écoles et les casernes en plus des jeunes marginalisés par le chômage ; 3 ) La corruption est devenue presque la règle chez les fonctionnaires de l’Etat, et les montants détournés se chiffrent en milliards; 4) Le chômage est généralisé, la pauvreté et la misère ont augmenté, les maladies infectieuses et chroniques se sont répandues. 5) Les jeunes sont contraints à l’exil ou à la violence. De quelle paix parlent-ils? Et à quelle réconciliation font-ils allusion?

16. Pourquoi ne pas dire franchement que vous voulez que les généraux soient exécutés sur la place publique, lorsque le pouvoir tombera?
Ce serait en totale contradiction avec les principes de non violence du Mouvement Rachad. Nous militons pour que ce soit les élus du peuple qui contrôlent l’armée et non le contraire. Nous voulons un changement radical et global afin de rétablir la souveraineté du peuple, mais ce changement doit être un changement dans un esprit responsable, dans le cadre de la Justice, et non pas par esprit de « vengeance ». Ceux qui pensent avec cette dernière mentalité ne peuvent pas parvenir à la paix, ni construire une nation.
17. Est-il vrai que la méthode que vous proposez pour mettre fin au système d'administration en Algérie est similaire à ce qui s'est passé dans les pays ex-communiste tels que l'Ukraine et la Géorgie?
Il peut y avoir une certaine similitude dans la méthode de changement non-violent, mais chaque pays a ses particularités propres. Nous différons d’eux dans la mesure où nous rejetons toute ingérence étrangère. Nous ne négocierons jamais sur la souveraineté de notre pays et son indépendance.

Rachad, la violence et la résistance armée

18. J'ai essayé de comprendre les raisons de la violence en Algérie depuis de nombreuses années, mais je n'ai pas pu. Pourquoi?
La réponse à cette question est longue à expliquer, mais peut se résumer ainsi : ce qui a mené au chaos en Algérie c’est le coup d’état perpétré par un groupe de généraux pour annuler les premières élections libres et démocratiques, et qui a donné la majorité des sièges à l’assemblée à un parti de l’opposition, le Front Islamique du Salut (FIS) (victoire admise par l’e-ministre de l’intérieur lui-même, le général Larbi Belkheir).

Le groupe de généraux conduit par l’ex ministre de la défense le général Khaled Nezzar, a mis fin à la volonté du peuple, en décidant d’interrompre le processus électoral et de mettre fin à la parenthèse démocratique qui avait résulté du soulèvement du 5 octobre 1988. En quelques jours des centaines de membres du FIS ont été exécutés et des dizaines de milliers ont été arrêtés. S’en est suivi de grandes manifestations populaires qui ont eu pour réponse de la part de ces mêmes généraux, la dissolution du parti victorieux, l’arrestation de ses dirigeants et l’instauration de l’état d’urgence (état d’urgence levé suite aux émeutes de janvier 2011 et au printemps arabe).

Suite au coup d’état, un cycle de violence et de contre-violence s’est instauré, via des groupes armés, souvent infiltrés, des instances officielles et des milices qui ont été impliquées dans des massacres effroyables de civils. Le mouvement Rachad voit la violence aveugle qui a déchiré l’Algérie, non pas comme une simple déviation idéologique d’un groupe mais surtout comme le résultat d’une culture politique qui s’est imposé à la tête de l’Etat algérien et de son institution militaire qui ne conçoit et la prise et le maintien du pouvoir que par la force.

19. Ne pensez vous pas que vous risquez de susciter le retour de la violence armée et des massacres en Algérie?
Jamais. Nous sommes contre l’utilisation de la violence armée pour changer la situation désastreuse que connaît l’Algérie. Nous sommes pour des actions non-violentes. Bien que nous pensons que la résistance armée est dans les droits des peuples, en particulier contre un colonisateur, nous la rejetons comme moyen de changement politique. La lutte armée peut être une phase nécessaire dans la lutte contre l’envahisseur ou le colonisateur, comme au temps de la révolution algérienne, par exemple. Mais nous croyons, que quand il s’agit d’un ennemi interne, l’action violente finit par être dans l’intérêt du régime oppresseur.

De nos jours, les régimes oppresseurs ont complètement maîtrisé le jeu de la violence, au point que personne ne peut rivaliser avec eux parce qu’ils contrôlent les outils du pouvoir et de violence. C’est leur jeu favori, ils sont même prêts à sacrifier des centaines de milliers d’innocents sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Nous appelons donc tous ceux qui veulent lutter contre un oppresseur interne à éviter la violence quelle que soit la provocation, y compris dans la légitime défense, mais plutôt de sensibiliser les gens afin de s’unir, de faire corps contre l’oppression jusqu’à ce qu’elle s’arrête. Ce sera notre manière de résister: protestation, conscientisation, manifestations et désobéissance civile jusqu’à ce que le régime oppresseur tombe.

20. Acceptez-vous l'adhésion de personnes qui ont porté les armes (ou les portent toujours) dans votre mouvement?
Une personne peut être amenée dans des conditions extrêmes à porter les armes. Certaines figures emblématiques de la résistance à travers le monde, comme Nelson Mandela, ont eu à le faire. Rachad peut comprendre les raisons qui poussent de telles personnes à ce genre de comportement dans des situations spécifiques mais Rachad ne les cautionne pas. En tout état de cause, même si une personne a eu à prendre les armes dans une certaine période elle ne peut aspirer à devenir membre de Rachad que dans la mesure où elle n’a pas commis de crimes qui contreviennent au droit humanitaire lors des conflits armés. En particulier, elle ne doit pas avoir été associée à des crimes contre des civils. Ainsi tout membre de Rachad doit remplir les conditions suivantes :

1. Acceptation des principes et objectifs de Rachad;
2. La croyance dans le changement non-violent et le désir d’y participer ainsi que le renoncement à toute violence armée;
3. Droiture et bonnes mœurs et non implication passée dans des crimes, notamment contre des civils.

Rachad et le mouvement islamiste

21. Êtes-vous une nouvelle version du Front islamique du salut (FIS)?
Non, pas du tout, même si certains ex-membres du FIS ont rejoint Rachad. Nos convictions et nos principes ont conduit beaucoup d’entre nous à sympathiser avec le FIS, car il a été grandement lésé et que cette injustice a son égard a eu des conséquences terribles pour la société et la nation. Cette sympathie est en réalité envers une frange de la population lésée dans ses droits, plutôt qu’envers le parti lui-même. Mais la sympathie ne signifie pas du tout qu’on souscrit aux principes et au programme du FIS, ni dans les méthodes et dans les outils qu’il a utilisé. Rachad vise un changement global non-violent visant à établir un état fort, juste et bien gouverné afin que les Algériennes et les Algériens jouissent de la liberté et de la dignité. Rachad n’est pas un parti politique mais un mouvement politique de changement ouvert à tous les Algériennes et les Algériens, et n’a pas pour vocation de remplacer un quelconque autre parti.
22. J'ai lu le document principal et j'ai estimé qu'il a un esprit et un discours islamique. Avez-vous peur de dire que vous êtes islamistes?
La crise des années 1990 a révélé une vérité importante: elle a dévoilé les positions indignes aussi bien des «islamistes» que des «démocrates» qui ont soutenu le coup d’Etat. Ce fut un tournant politique important, car non seulement l’appartenance au mouvement islamique dans son sens classique du terme devenait inadéquate pour déterminer son identité politique, mais la question de l’examen de la légitimité du gouvernement et des libertés est devenue cruciale à cet égard. En outre, le régime des mukhabarat a toujours travaillé pour maintenir une division profonde entre les islamistes, nationalistes et laïques; cette division ne peut pas s’expliquer par la seule diversité idéologique.

Naturellement, ces groupes – que ce soit consciemment ou non – ont renforcé ce conflit mutuel. Mais la question aujourd’hui est de savoir si un Algérien peut être nationaliste – veiller aux intérêts de sa nation et son indépendance –, islamique – considérant l’islam la principale composante de l’identité des Algériennes et des Algériens – et démocrate – en acceptant le choix du peuple à travers les urnes – ? La réponse, à nos yeux, c’est que cela est possible, et nous devons travailler à le réaliser. Compte tenu de l’importance de cette question, nous avons décidé dans le mouvement Rachad de nous concentrer sur les principes que nous considérons comme essentiels afin de parvenir à la bonne gouvernance. Bonne gouvernance, qui à notre avis, doit intégrer les choix légitimes de la grande majorité des Algériens.

23. Vous parlez d'un Etat dans le cadre des principes islamiques. N'est-ce pas un appel à la création d'un état fondamentaliste en Algérie?
Notre projet est un prolongement du projet de la déclaration du 1er Novembre 1954, et notre objectif est un état ou règnent la justice et la bonne gouvernance et où l’Islam représente une composante essentielle de la société algérienne. Nous rejetons l’Etat théocratique mais nous refusons aussi la surenchère qui veut discréditer l’attachement des Algériens et Algériennes à l’Islam sous prétexte de « danger fondamentaliste ».
24. Est-ce que l'islam ne vous demande pas d'obéir au dirigeant tant que vous ne voyez pas la mécréance en lui?
Il nous dit, surtout, d’interdire le mal et de supprimer l’injustice et la tyrannie. Le Noble Prophète, la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui, considérait que le plus grand jihad est un mot vrai à la face d’un souverain tyrannique.

Ceux qui trouvent des excuses à l’oppression au nom de l’islam commettent un grand péché contre les principes de la foi, la communauté et la nation.

Rachad et les questions algériennes

25. Si vous parvenez à renverser le régime, comment allez-vous traiter les demandes culturelles et linguistiques de l'amazigh?
Nous voyons les différentes langues comme des miracles universels de Dieu, et nous croyons que chaque communauté, petite ou grande, a le droit d’utiliser et de développer sa propre culture, langue ou dialecte. L’état de droit respectera le peuple dans toute sa diversité, car il est construit sur une légitimité populaire. Nous espérons voir un jour notre état soutenir toutes les particularités culturelles que composent et enrichissent la nation.
26. Pourquoi pointez-vous du doigt les partis d'opposition en Algérie et les accusez-vous d'avoir échoué, en dépit de leur présence sur le terrain?
Il n’y a pas de parti pris au sein de notre mouvement, mais nous insistons sur la critique objective et impartiale. Nous considérons que les partis agréés par la pouvoir ne disposent pas de leur pleine liberté et ne sont utilisés par ce pouvoir que comme alibi d’une façade démocratique. Pour les détails voir la charte de Rachad p. 5-8.
27. De nombreuses sources disent que la presse bénéficie de nombreuses libertés en Algérie. Qu'en pensez-vous?
Il y a certes une certaine marge de liberté, mais la presse reste contrôlée et subit des pressions quotidiennes. Il y a aussi une presse qui est présentée comme « indépendante » mais qui n’a qu’une seule mission réelle : relayer la propagande du régime. De nombreux journaux ont fermé ou ont été fermés juste pour avoir abordé certaines questions délicates. Il y a aussi des problèmes législatifs, structurels et financiers qui handicapent lourdement la presse algérienne.
28. Vous accusez les services secrets algériens d'être à l'origine des malheurs de l'Algérie. Comment allez-vous faire face à ses membres, et en particulier les officiers de rang supérieur, si vous parvenez à renverser le régime?
Nous travaillons à mettre l’armée sous le contrôle des représentants légitimes élus librement par le Peuple. Aujourd’hui les services secrets, dans la pratique, sont au dessus de la loi et même de la constitution. Après le changement il doit y avoir une réforme radicale de cet appareil pour le maintenir sous la surveillance des organes élus en vertu de la règle de droit ; organes élus à qui il doit rendre des comptes, afin de s’assurer qu’il protège les personnes et leurs intérêts. Tous les appareils de sécurité doivent être sous la supervision du peuple, et non l’inverse. Et ceci fera en sorte que les services de sécurité, les forces armées et la police gagneront la confiance du peuple et auront les moyens réels pour garantir la sécurité et la dignité du pays et de ses citoyens.
29. J'ai lu le document officiel du Mouvement Rachad et je n'ai pas trouvé beaucoup de réponses sur les problèmes que les Algériens rencontrent depuis très longtemps. Pouvez-vous nous dire comment allez vous résoudre les problèmes de manque de logements, des enfants sans-abri, ou les mères célibataires, par exemple?
Cela est possible seulement après le changement de régime en cours et l’établissement d’un état de justice et de bonne gouvernance. L’expérience de certains pays asiatiques (par exemple) a prouvé qu’il est possible de résoudre les problèmes posés par la pauvreté en une décennie ou deux aussi longtemps que la volonté politique et la bonne foi existent. Le type de gouvernance actuel et la corruption généralisée rend toute discussion sur des détails de programmes concrets, aussi bon soient-ils, complètement superflue et inopérante. Il y a certainement des journalistes algériens de valeur et qui essaient de faire leur travail avec déontologie et professionnalisme mais ils sont les premiers à souffrir des harcèlements du régime.

Rachad et des relations extérieures

30. L'Algérie a des problèmes frontaliers avec ses voisins, notamment le Maroc et la Libye. Comment allez-vous régler ce problème?
Avec la fraternité, la sagesse, de médiation, et si cela ne peut être trouvé, nous chercherons un règlement dans le cadre des législations et instruments Internationaux. (Voir nos principes des relations extérieures dans la charte de Rachad).

Notre point de départ est de rapprocher ces Etats en travaillant ensemble à la mise en place de systèmes véritablement fondés sur la primauté du droit. Cela va ouvrir les frontières et conduire à développer l’aide mutuelle dans le cadre d’une unité dont l’absence est déjà incompréhensible pour le peuple. L’unité du Grand Maghreb est un objectif essentiel de notre mouvement.

31. Quel est votre avis sur la question du Polisario? Est-il vrai que vous reconnaîtrez le Sahara dans le cadre du Maroc?
À notre avis le conflit du Sahara occidental ne peut être résolu que dans le cadre d’un projet pana-maghrébin solide et profond et allégé du fardeau des frontières créées pour diviser les citoyens du Maghreb, qui ne sont en réalité qu’un seul peuple.

Malheureusement, ce projet stratégique a été rompu depuis des décennies, en raison à la fois du manque de volonté politique parmi les dirigeants des Etats du Maghreb et de l’influence des puissances étrangères qui, ne voulant pas voir une telle fédération, cherchent à faire avorter les projets alternatifs. Lorsque le Grand Maghreb renaîtra, de nombreux problèmes de la région, dont celui du Sahara occidental, seront résolus naturellement sur les principes de la coexistence pacifique. La résolution du problème du Sahara occidental n’est pas un pré-requis de la construction du Maghreb, il en sera une conséquence inéluctable.

32. Est-il vrai que vous détestez la France et vous voulez vous venger de ce pays qui autrefois occupé l'Algérie?
On ne hait ni on est les ennemis de personne, sauf ceux qui ceux déclarent ouvertement ennemis de l’Algérie. Nous voulons établir des liens pacifiques avec la France et d’autres Etats, sur la base du respect mutuel et des intérêts partagés. Nous cherchons aussi à préserver la mémoire et les droits de notre peuple tout au long de son histoire.
33. Allez-vous expulser les sociétés multinationales qui font des affaires et investissent en Algérie?
Nous ne sommes pas contre l’investissement transparent et équitable dans le but de réaliser des intérêts communs. Mais quant à ceux qui pillent les biens de l’Algérie en partenariat avec ce qu’il faut bien appeler la mafia actuelle, les Algériens honorables ne pourront certainement pas accepter que cette situation honteuse se poursuive.
34. Quel est votre avis sur la question palestinienne? Allez-vous soutenir le Hamas et le Jihad et d'autres organisations appelant à la destruction d'Israël?
Nous appuyons le principe du droit de tous les peuples à l’autodétermination, et donc soutenons la résistance du peuple palestinien dans le but de parvenir à la libération et la construction de leur propre État. Mais nous croyons que le peuple palestinien ne sera pas en mesure d’atteindre sa liberté jusqu’à ce que les peuples arabes soient libérés de tous les régimes oppressifs, corrompus, et collaborationnistes qui les oppriment.

L’Etat sioniste est de nature ségrégationniste et colonisatrice. Il prône et pratique la destruction physique de quiconque s’oppose à sa politique. Il est donc injuste de blâmer les groupes palestiniens qui luttent pour leurs droits, en prenant pour argent comptant les accusations proférées par Israël et ses alliés inconditionnels. Des mouvements comme le Hamas ont un ancrage réel dans la population palestinienne et c’est au peuple palestinien, et lui seul, de choisir ses représentants. La grande aberration et qu’un Etat pratiquant ouvertement l’apartheid puisse être encore présenté par certains comme un modèle de démocratie alors que ses crimes sont quotidiens. Une paix durable dans la région ne peut se faire sur la simple base de la « sécurité d’Israël ».

Rachad et des révolutions arabes

35. Quel est votre avis sur les révolutions arabes et la crainte de certains que ces révolutions soient une manipulation americano-golfo-sioniste?
Réduire les révolutions qui ont libéré les peuples tunisien, égyptien et libyen de dictateurs comme Benali, Mubarak ou Qaddafi, à des manipulations est une lecture simpliste et non respectueuse envers ceux qui ont payé de leur vie le prix de la libération. Rachad salue ces révolutions et les considère comme une avancée considérable pour les peuples de la région.

Ceci étant, nous sommes conscients que l’ingérence de puissances étrangères est à rejeter. Aussi, Rachad ne tolérera jamais une ingérence étrangère en Algérie. Il faut aussi reconnaître que les révolutions arabes, surtout en Tunisie et en Egypte, ont prouvé que la méthode non-violente est efficace.