Communiqués

Communiqué concernant le coup d’État en cours en Tunisie

Au cours des deux derniers jours, la Tunisie a été le théâtre d’événements graves suite à  l’annonce du président tunisien Kaïs Saïed de suspendre l’Assemblée des représentants du peuple et d’assumer la présidence du pouvoir exécutif et du ministère public, tout en relevant le Premier ministre et en utilisant la force publique et l’armée pour imposer ces décisions.

Le mouvement Rachad dénonce ce coup d’État qui constitue une agression contre les institutions tunisiennes légitimes : législatives, exécutives et judiciaires, en violation flagrante de la constitution tunisienne, même si les putschistes tentent de le vendre auprès de l’opinion publique comme des mesures correctives pour   » faire face à la crise et lutter contre  la corruption « . Ces arguments confirment que ce qui se passe est un coup d’état de type «putsch de garde»*, que les manuels de science politique définissent comme un coup d’état sous prétexte d’améliorer les performances du gouvernement, de maintenir la sécurité publique et de mettre fin à la corruption.

Même si le mouvement Rachad prend en considération les difficultés sociales et économiques, notamment suite à de la pandémie de Corona, il dénonce l’implication et la précipitation de certains partis d’opposition et d’une partie des élites politiques, syndicales et médiatiques à soutenir le coup d’État.

Les forces politiques et la société civile qui soutiennent le coup d’État se trompent si elles pensent que cette voie résoudra les problèmes de la Tunisie. Les coups d’état de type «putsch de garde»*, « peuvent changer certaines personnes, mais ils n’entraînent pas de profondes réformes sociales ou économiques. Cette aventure affaiblira la confiance des Tunisiens dans le système démocratique basé sur la séparation des pouvoirs et le respect de la constitution, et ouvrira la porte au retour de la police politique et à l’omniprésence des services de sécurité, comme ce fut le cas. à l’époque du dictateur Ben Ali.

Les putschistes parient sur les hésitations et le silence de larges couches de la société et de ses élites pour la réussite de leur aventure. C’est pour cela que  le Mouvement Rachad exhorte les forces politiques, la société civile et l’ensemble du peuple et des élites tunisiens à rejeter catégoriquement le coup d’État en cours, quel que soit leurs divergences ou leurs critiques du travail  du gouvernement ou du parlement actuel.

Le mouvement Rachad estime que quelle que soit la gravité des divergences politiques et quelles que soient les erreurs des autorités actuelles, la solution ne devrait être envisagée que dans le cadre de la légitimité constitutionnelle. Et si le gouvernement et le parlement d’aujourd’hui sont renversés par la force, qui empêchera demain des coups d’État similaires ? Les statistiques internationales montrent clairement que le coup d’État brise la légitimité et encourage d’autres coups d’État. Un coup d’État n’est pas une recette pour la démocratie.

L’autorité illégitime qui émergera du coup d’État sera inévitablement soumise au chantage des pays régionaux et internationaux qui ont planifié, financé et soutenu le coup d’État, ce qui conduira à l’affaiblissement de la souveraineté nationale tunisienne, y compris la décision politique, les options économiques et l’orientation de la politique étrangère. C’est exactement ce que le coup d’État en Égypte a causé en portant atteinte à la souveraineté nationale sur certaines parties du sol égyptien et la perte de la sécurité nationale dans des dossiers stratégiques tels que le dossier du barrage de la Renaissance.

Ce coup d’État révèle une fois de plus la politique de deux poids deux mesures adoptée par les grandes puissances occidentales, qui condamnent, récusent et punissent les dirigeants des coups d’État qui se produisent contre des régimes qui leur sont fidèles, même s’ils ne sont pas à l’origine légitimes, alors qu’ils montrent de la compréhension au point de justifier les coups d’État contre les régimes légitimes élus à travers des élections libre et équitables.

Elles peuvent même les bénir et les soutenir, comme elle l’a fait auparavant en Algérie et en Égypte.

Restreindre la presse et fermer les chaînes d’information est considéré comme un déclin de la liberté de la  presse dont les conditions se sont améliorées depuis 2011.

Le mouvement Rachad appelle les frères tunisiens, en particulier la jeunesse, à rester attachés à la résistance pacifique  pour contrecarrer la tentative de coup d’État, qui tente étouffer dès le départ l’espoir de libération des peuples de la région dans le berceau de la vague du printemps arabe. Le succès de ce coup d’État (s’il s’accomplit) entraînera des répercussions catastrophiques pour la Tunisie, le Maghreb et le monde arabe.

Le secrétariat du Mouvement Rachad

28 Juillet 2021

* Un concept des sciences politiques Anglo-Saxonnes