Le mouvement Rachad a appris avec regret l’arrestation du Premier ministre Abdallah Hamdok et une partie de ses ministres par le général Abdel Fattah Burhan, la dissolution du Conseil de souveraineté et du Conseil des ministres, ainsi que la déclaration de l’état d’urgence et la suspension de certains articles du document constitutionnel.
Le Mouvement Rachad condamne fermement ce coup d’État militaire qui constitue une attaque contre les institutions de transition soudanaises, en violation flagrante de l’engagement des militaires lors de l’accord issu du dialogue qui les a associés à la période de transition auquel ils se sont engagés. Quels que soient les efforts des putschistes et de leurs partisans pour justifier le coup d’état avec des prétextes sécuritaires, cet acte odieux reste conforme à la définition d’un coup d’État militaire, qui est la destitution illégale du chef du pouvoir exécutif par l’armée ou une de ses factions, par l’usage ou la menace de la force.
Les putschistes parient sur l’hésitation et le silence de larges couches de la société ainsi que de ses élites pour la réussite de leur aventure. C’est pour cette raison que le Mouvement Rachad exhorte les forces politiques, la société civile et l’ensemble du peuple soudanais et ses élites à opposer un refus absolu au coup d’État en cours quelles que soient leurs différents.
L’autorité illégitime qui émergera du coup d’État sera inévitablement soumise au chantage des pays régionaux et internationaux qui ont planifié, financé et soutenu le coup d’État, ce qui conduira à l’affaiblissement de la souveraineté nationale soudanaise, y compris la décision politique, les options économiques et les orientations de la politique étrangère. C’est exactement ce que le coup d’État en Égypte a causé en compromettant la souveraineté nationale sur certaines parties du sol égyptien et la perte de la sécurité nationale dans des dossiers stratégiques tels que le dossier du barrage de la Renaissance.
Ce qui se passe aujourd’hui au Soudan confirme malheureusement une fois de plus que le drame des sociétés arabes réside dans l’abus des militaires et des services de renseignement, leur contrôle de la vie politique, leur autoritarisme, et leur appropriation des ressources du pays. Ceci découle de la mentalité dominante chez une bonne partie des élites militaires et civiles selon laquelle l’armée est le centre et la source de la légitimité et que l’élite militaire est « la gardienne du peuple et du pays » selon les propres mots du chef des putschistes au Soudan. Les sociétés arabes ne pourront se développer que si elles renoncent à cette mentalité arriérée et se débarrassent de l’emprise des forces armées, en mettant en place des mécanismes forts de contrôle démocratique des forces armées, dès les périodes de transition, afin de les mettre sous le contrôle de l’autorité politique élue.
Depuis 1956, le Soudan a connu des dizaines de coups d’État et de tentatives de coup d’État, ce qui confirme les études statistiques selon lesquelles un pays qui a connu un coup d’État a une probabilité plus élevé d’en connaître un autre à nouveau. En outre, le coup d’État en cours ouvrira la porte à un autre coup d’État par une autre faction armée, ce qui a aura pour résultat un pays qui continuera à se débattre dans une spirale d’absence de stabilité politique et d’absence de légitimité. Les conséquences du coup d’État sont désastreuses pour la sécurité et l’indépendance du pays, ce qui est contradictoire avec les tâches constitutionnelles des forces armées.
S’il y a une leçon à tirer du coup d’État militaire récent et des coups d’État qui l’ont précédés dans la région arabe, ce dont toutes les forces de changement doivent être conscientes, c’est que la mentalité d’exclusion des opposants politiques et l’alliance avec les militaires ne conduisent qu’à des acquis intérimaires et provisoires, qui sont aussitôt exploités par des aventuriers au sein de l’armée pour soumettre l’ensemble de l’éventail politique et saper tout le processus démocratique.
26 Octobre 2021
Mouvement Racahd
