Ceci est un droit de réponse à l’article d’Amel Bouzidi, « Un ex du FIS incarcéré à Paris en attendant une extradition à Alger », paru sur le site de Rue89.com. Il a été envoyé à journal en ligne le 20 janvier, c’est-à-dire au lendemain de la parution de l’article en question. A ce jour, le 28 janvier, il n’a pas été publié.
Dans l’article « Un ex du FIS incarcéré à Paris en attendant une extradition à Alger » paru sur le site de Rue89, daté du 19 janvier, l’auteur Amel Bouzidi présente Mourad Dhina comme un ex-cadre du FIS et passe la majeure partie de son texte à disserter sur ce parti et sur ses différentes figures et tendances en propageant, comme à l’accoutumé, la confusion entre islamisme et terrorisme. L’article tente ainsi, de façon subtile, de criminaliser Mourad Dhina par association.
Le temps d’Amel Bouzidi semble s’être arrêté à il y a une décennie. Car il aurait été plus logique de présenter Mourad Dhina tel qu’il est aujourd’hui, en mentionnant au passage son passé. Elle a opté pour la démarche inverse.
Mourad Dhina a rejoint le FIS après le coup d’Etat de janvier 1992 et la dissolution administrative de ce parti, pour manifester son rejet de l’entreprise criminelle des putschistes qui ont entrainé l’Algérie dans une aventure hasardeuse qui a coûté un quart de million de victimes. En 2002 il a été désigné par le congrès du FIS comme chef du Bureau exécutif national provisoire. En 2004, il a démissionné du FIS. Faut-il rappeler que ce n’est pas un crime d’être cadre d’un parti légitime qui a gagné les seules élections locales et législatives libres et transparentes de l’histoire algérienne et dont les cadres, militants, sympathisants et base sociale ont été laminés par la machine de la répression des janvieristes ?
Amel Bouzidi écrit : « Interrogé dans le cadre d’un documentaire sur la tragédie algérienne, Mourad Dhina justifiait ainsi ces éliminations physiques [des intellectuels et des journalistes]» en citant un passage d’une intervention lors d’un documentaire. Amel Bouzidi qui a apparemment fait l’effort de chercher le lien youtube de ce documentaire a dû voir aussi que Mourad Dhina a répondu en français, par vidéoclip disponible également sur youtube (1), aux critiques qui lui ont été faites par le passé concernant ce passage. Elle a dû l’écouter expliquer que ses propos ont été sortis de leur contexte. Elle a dû comprendre que le sujet abordé avec le journaliste était « la sélectivité dans la dénonciation des crimes en Algérie sur laquelle je me suis insurgé ». Elle a dû écouter Mourad Dhina dire :
« J’ai dit : s’il y a des morts, nous devons pleurer tous nos morts et dénoncer tous les crimes. Je suis le premier à dénoncer tous les crimes qui ont entrainé la mort de centaines de milliers de nos frères algériens et algériennes. […] A un moment donné, je parle d’intellectuels de gauche, il faut bien remarquer que dans la vidéo il y avait une coupure. J’ai mentionné le nom d’intellectuels de gauche parce que c’était dans un débat non transmis dans le documentaire, entre moi et l’interviewer, sur qui ils étaient. Lui [il]disait que c’étaient des intellectuels de gauche. J’ai dit écoutez, c’est votre appréciation, et si vous insistez à les nommer comme ça, qu’il en soit ainsi. […] Je n’accepte pas la sélectivité. On ne parle pas de la mort de X pour oublier celle de Y. Pour moi tous les Algériens qui ont été assassinés dans la tragédie que nous avons connue méritent le respect et méritent qu’on fasse la vérité sur ce qui s’est passé. Je n’accepte pas les étiquettes collées ici et là : celui-là est un intellectuel qui a été tué par un intégriste. On présente [les faits]sous une forme qui plait à un pouvoir donné, qui plait à certains courants politiques. Moi, je ne fais pas de la surenchère politicienne sur les victimes. Il faut dénoncer tous les crimes, et aujourd’hui il ne suffit pas de dénoncer, et c’est là où j’interpelle tous les soi-disant intellectuels et démocrates : venez avec nous et recherchons la vérité sur ce qui s’est passé dans notre pays. Car on ne peut pas faire l’impasse sur cette recherche de vérité. Et moi, je m’y engage personnellement pour que l’on fasse toute la vérité et j’accepte le verdict de cette quête de vérité quel qu’il soit, car nous la devons à la mémoire de toutes les victimes. »
Mourad Dhina est détenu en France en vue d’une extradition à la demande du régime militaire d’Alger sur la base de poursuites engagées devant des juridictions d’exception qui ne peuvent avoir qu’un caractère politique déguisé. Il est détenu à la demande d’un régime dirigé par les officiers militaires qui ne sont pas seulement derrière l’assassinat de journalistes et d’intellectuels, comme l’attestent plusieurs officiers dissidents et des familles de victimes, mais qui sont aussi accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité (torture institutionnalisée, disparitions forcées de dizaines de milliers de personnes, campagne de massacres contre-insurrectionnels).
Mourad Dhina, engagé dans le cadre du Mouvement Rachad pour le combat non-violent en vue de l’établissement d’un Etat de droit et de bonne gouvernance en Algérie, est dévoué à la cause des droits de l’homme dans le monde arabe, dans le cadre de la Fondation Alkarama qu’il dirige et qui a défendu des victimes de tous bords : musulmans, chrétiens, juifs, laïcs, etc. Il est aujourd’hui persécuté par le régime d’Alger car il a refusé d’endosser la fausse réconciliation et les fausses réformes engagées pour maintenir le peuple algérien sous le contrôle d’un pouvoir répressif et corrompu.
Secrétariat de Rachad
20 janvier 2012
(1) http://www.youtube.com/watch?v=KcpWVp-aYFo