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L’Agence « Algérie Presse Service » épinglée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme

Rachad, 7 septembre 2020

L’Agence Algérie Presse Service (APS) et la Radio et Télévision Algériennes ont toujours été les organes de communication du régime militaire qui diffusent sa propagande sécuritaire, politique, économique, sociale, culturelle, etc. Mais à l’ère de Abdemadjid Tebboune et son communicateur-en-chef, Ammar Belhimer, ces organes officiels sont devenus de véritables sources de désinformation, générateurs de fake-news, alors même que le régime a fait voter le 22 avril 2020, une loi liberticide sous prétexte de lutter contre les fausses informations. En témoigne le triste épisode d’information fallacieuse autour de la marche de citoyens algériens et leur sit-in à la Place des Nations à Genève pour appeler à la libération des détenus politiques en Algérie, qui a porté une atteinte grave à la crédibilité de l’APS et de la Radio et Télévision Algériennes.

« 250 et 300 Algériens se sont rassemblés dimanche [23 août 2020] sur la Place des Nations à Genève en scandant ‘Libérez les détenus !’ pour demander à leur gouvernement de cesser de réprimer les manifestations » (1). Parmi eux des citoyennes et des citoyens sont venus de Chambéry après une marche de plus de 100 km, rejoints par des concitoyens venus de différents cantons de Suisse et d’Allemagne. Le lendemain matin, une lettre a été remise par les marcheurs à la Haute commissaire des droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet, lui demandant de rappeler au gouvernement algérien ses obligations en matière de protection des droits de l’homme, et « d’interpeller le plus rapidement possible les autorités sur les arrestations et détentions arbitraires ou encore sur les procès considérés comme non équitables » (2).

Une dizaine de jours plus tard, l’APS et la Télévision Algérienne diffusent le même rapport officiel sur l’évènement du 23 août 2020. L’APS a publié le 1er septembre 2020 un article illustré par une grande photo d’une salle de réunion des Nations Unies à Genève, et le logo de l’ONU, pour donner de la crédibilité à l’information, intitulé « Le bureau des contentieux de l’ONU rejette la plainte introduite contre les autorités algériennes ». Cet article, qui se réfère à un entretien fictif sur Radio Monte Carlo internationale, d’un secrétaire fictif, Issam Al Muhammadi, au Bureau fictif des Contentieux de l’ONU à Genève, prétendait que : « le Secrétaire au Bureau des Contentieux de l’ONU à Genève, Issam Al Muhammadi, a indiqué que la plainte introduite par des activistes politiques algériens à l’encontre des autorités algériennes avait été rejetée 24h après son dépôt et examen de son contenu par les délégués juristes du Bureau. La plainte a été rejetée pour plusieurs motifs, notamment  »le contenu non conforme aux rapports de l’organisation des droits de l’Homme en Algérie, certains signataires ayant des antécédents judiciaires, tous les signataires ne sont pas résidents en Algérie depuis une période de 10 années et les initiateurs de la plainte sont détenteurs d’une double nationalité, dont certains n’ont même pas la nationalité algérienne », a expliqué le Secrétaire égyptien, avant-hier, sur les ondes de la Radio Monte Carlo internationale. » (3)

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a été contraint de publier le 4 septembre 2020 un démenti pour dénoncer les « informations fallacieuses » (4) propagées par l’APS. Le communiqué rapporte les propos du porte-parole du HCDH, Rupert Colville, qui « a clairement indiqué vendredi [4 septembre 2020] que l’article était inexact » (5) et qui a déclaré que « les informations contenues dans l’article – largement reprises par d’autres médias en Algérie et ailleurs – ont été complètement fabriquées du début à la fin » (6). On apprend de la clarification du HCDH de l’ONU qu’il n’existe aucun organe des Nations Unies relatif aux droits de l’homme portant le nom de « Bureau des Contentieux », qu’« aucun membre du personnel ou expert indépendant de l’ONU sous le nom de Issam Al Muhammadi » (7) n’a pu être identifié, et qu’aucun organe des droits de l’homme de l’ONU « ne mène une procédure accélérée en 24 heures » (8). Le HCDH de l’ONU a aussi sommé dans son communiqué l’APS de retirer l’information fallacieuse : « Nous demandons que l’Algérie Presse Service et Radio Monte Carlo – s’il s’agit bien de la source originale de l’histoire – retirent cette fausse information et lèvent toute ambiguïté auprès de leurs lecteurs et auditeurs en expliquant que l’histoire est une pure invention » (9).

Il est légitime de se demander si les auteurs de cette triste fiction vont être sanctionnés, comme le sont de nombreux journalistes et blogueurs innocents, par la nouvelle loi sur l’information qui prévoit une peine d’un à trois ans de prison, et une amende pouvant aller jusqu’à 300’000 DA à l’encontre de toute personne jugée coupable de propagation de fausses informations, pour le tort causé à la réputation de l’Algérie sur le plan international du fait de ce mensonge grossier motivé par le désir effréné de défendre, à tout prix, un régime autoritaire et corrompu qui a fait de l’APS une « Agence Algérienne des Dhoubab » comme l’ont rebaptisée les Algériens sur les réseaux sociaux.

Notes de référence :

(1) Des Algériens demandent la libération de détenus politiques. Tribune de Genève. Genève, 23 août 2020.
https://www.tdg.ch/des-algeriens-demandent-de-relacher-les-detenus-politiques-678946271601
(2) Ibid.
(3) Le Bureau des Contentieux de l’ONU rejette la plainte introduite contre les autorités algériennes. APS, Alger, 1er septembre 2020.
http://www.aps.dz/algerie/109221-le-bureau-des-contentieux-de-l-onu-rejette-la-plainte-introduite-contre-les-autorites-algeriennes
(4) Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme met en lumière des informations fallacieuses concernant l’Algérie. Communiqué du HCDH. Genève, 4 septembre 2020.
https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26208&LangID=F
(5) Ibid.
(6) Ibid.
(7) Ibid.
(8) Ibid.
(9) Ibid.